C4.-Rapport annuel sur la réintroduction Majorque Année 1 (2014)
Action C.4.3 Réintroduction à Majorque

31 décembre 2014

Contenu du rapport

Introduction

1- Réintroduction de trois aigles aptes au vol au moyen de l'installation d'acclimatation

• Libération de Dodiel
• Libération de Daimiel
• Libération de Dílar

2- Libération de quatre aiglons au moyen du hacking

• Phase I : nid et premiers vols.
• Phase II : dépendance du nid.
• Phase III :Dispersion de la zone natale

Conclusions   

Introduction

En 2014 quatre aiglons ont été libérés grâce au hacking ainsi que trois aigles aptes au vol en utilisant une installation d'acclimatation.
Le processus de libération de chacun d'eux sera détaillé ci-dessous, d'abord pour les trois aigles aptes au vol et ensuite le processus de hacking qui a été particulièrement compliqué cette année même si les résultats sont excellents.

1- Réintroduction de trois aigles aptes au vol grâce à une installation d'acclimatation

Libération de Dodiel

En novembre 2013, l'Assemblée d'Andalousie a autorisé la cession d'un individu d'Aigle de Bonelli réhabilité au Centre de Récupération de Huelva. L'animal, un mâle adulte, est recueilli par GREFA quelques jours plus tard pour faire un bilan de santé en profondeur et pour pouvoir être libéré à Majorque avec les garanties de survie maximales. A cause de quelques problèmes d'ordre physique qui ont nécessité un traitement vétérinaire, la remise de cette individu (surnommé Dodiel) a été retardée au 8 janvier 2014.

À GREFA, on lui a mis un émetteur satellite et un autre terrestre, qui proviennent d'un aigle de Majorque mort mi-2013 ; ainsi, il n'y a pas de confusion possible.
DODIEL est arrivé au siège du COFIB le 9 janvier 2014 et il a été transféré le jour même dans la cage d'acclimatation située sur la propriété publique de Planicia (T.M. De Banyalbufar) dans la Sierra de Tramuntana.

Le personnel du COFIB l'a laissé dans la cage, et pour se nourrir, Dodiel a immédiatement chassé le pigeon qui avait été laissé à l'intérieur. Comme il était bien musclé et en bonne santé, on a décidé de le laisser dans l'installation après le voyage pour qu'il s'y pose et qu'il se familiarise avec la vallée. Puis, le jour suivant, avant l'aube, on a ouvert la porte frontale de la cage et à 9 heures du matin, Dodiel y est monté et a pris son envol pour chasser un autre pigeon qui avait été laissé dans un petit enclos hors de la cage, juste en face de la porte ouverte. Il a mangé le pigeon et s'est réfugié dans une pinède aux alentours.

L'émetteur satellite ne s'est pas bien chargé car les jours n'étaient pas suffisamment ensoleillés. Ce n'est que le 30 janvier que la batterie a pu être suffisamment chargée pour faire des localisations de qualité. Jusqu'alors, on l'avait suivit au moyen du signal émis à Argos, moins fiable mais qui indiquait si l'aigle bougeait et s'il se trouvait dans des lieux bien conservés et apparemment en sécurité.

Jusqu'à mi-mars, il s'est familiarisé avec la pré-sierra de Tramuntana, un lieu avec de bons rochers pour se reposer et un terrain mixte de cultures et de pinède. A partir du 15 mars il a commencé à bouger plus pour finalement atterrir sur la moitié de cette île.

Libération de Daimiel

Cette jeune femelle née en 2013 a été libérée dans le Parque Naturel de Levante le 6 octobre 2014.

Daimiel est née l'année dernière dans une cordillère de Tolède, où elle a été pucée à l'intérieur du nid, avec sa sœur, avec un émetteur satellite par l'Assemblée des Communautés de Castilla-La Mancha, grâce au projet LIFE Priorimancha. Une fois indépendante, elle est partie au sud, en recherche de terres abondantes en nourriture. En octobre 2013 elle a reçu une balle dans l'aile lorsqu'elle se trouvait dans la province de Grenade. On a pu la retrouver grâce au suivi par satellite,  blessée mais vivante, et elle a été emmenée au Centre de Récupération de cette province andalouse. Mais malheureusement, elle a été victime d'un accident à l'intérieur de la cage où elle était soignée et elle s'est fracturée les deux jambes. Elle s'en est bien remise et a été rendue à Castilla-La Mancha, au Centre de Récupération de Ciudad Real, où ils ont décidé de la céder à LIFE BONELLI.

L'association GREFA a réalisé un travail très difficile pour rendre la liberté à Daimiel avec le plus de garanties possibles. Finalement, après un an de traitement, Daimiel fut prête à être libérée.
Elle est arrivée à Majorque le 30 septembre et elle a été mise dans l'installation d'acclimatation située dans le Parque National de Levante de l'île pendant une semaine. Le 6 octobre on a ouvert l'installation et Daimiel a pris son envol, en s'installant aux environs de la zone de libération.

Libération de Dílar

Dílar est une femelle immature née en 2013 en Andalousie. Quelques mois après avoir quitté le nid, en août 2013, et sûrement toujours en phase de dépendance aux parents, elle a été victime d'un accident et s'est fracturé l'humérus de la patte droite. Elle est arrivée au Centre de Récupération de l'Assemblée d'Andalousie, « El Blanqueo », à Grenade, où elle s'est merveilleusement bien remise de sa fracture et de sa fragilité. Il ne lui reste comme souvenir de l'accident que l'amputation d'un doigt de la patte droite, ce qui par chance ne l'empêche pas de chasser. Pour le reste, elle s'est très bien rétablie, et après une période « d'entraînement » et de mise au point au Centre de Récupération de GREFA, Dílar était déjà prête pour sa réinsertion dans la nature en novembre 2014.

Elle est arrivée à Majorque le 20 novembre 2014 au COFIB. Après avoir constaté qu'elle était en bonne santé, on l'a immédiatement transféré à l'installation d'acclimatation du Parque National de Levante. Elle est restée là 5 jours, se montrant très observatrice, parfois agitée mais souvent tranquille. On a ouvert la porte de la cage d'acclimatation à l'aube du mardi 25 novembre. L'oiseau a pris son envol au bout de 10 minutes, pour se poser dans une chênaie où il est resté quelques heures avant de s'éloigner de la zone de libération vers l'est.

2- Libération de quatre aiglons grâce au hacking

En 2014, quatre aiglons ont été libérés : deux frères mâles élevés en captivité à GREFA et deux femelles sauvées de nids sauvages et cédées par l'Assemblée d'Andalousie. Les deux mâles sont les plus petits des quatre, âgés de 49 et 50 jours à leur arrivée, et ont 3-4 jours de moins que les deux femelles (arrivées à l'âge de 53 et 54 jours). De cette façon, la différence d'âge entre le plus grand et le plus petit est de 5 jours, et cela est idéal pour qu'il puissent faire partie de la même nichée.
Les quatre ont été pucés à GREFA et transférés de Madrid à Palma en bateau via Valencia.

Le hacking se compose des phases suivantes :

• I.- Phase de nid et de premiers vols
• II.- Phase de dépendance au nid
• III.- Phase de dispersion

Phase I: Nid et premiers vols

Cette phase dure 15-20 jours, depuis l'arrivée au nid du hacking jusqu'à ce que commencent les premiers vols et qu'ils commencent à manger la nourriture laissée hors du nid.

• Les quatre aiglons ont été introduits dans le nid artificiel fermé de La Rerserva (T.M.Puigpunyent) le 29 avril 2014.Dès leur arrivée, les quatre aiglons ont immédiatement montré leurs différents traits de caractère. Les deux mâles, frères nés à GREFA, toujours ensemble, étaient les premiers à manger, puis Dana se joignait à eux. De son côté, Dalia agissait toujours de façon indépendante, quand les autres mangeaient elle dormait, quand tout le monde se reposait elle s'activait.
• Le 7 mai (8 jours plus tard), on ouvre le hacking.
• A partir de l'ouverture du hacking, les aiglons ont mis entre 3 et 7 jours pour sortir du nid, ce qui démontre qu'ils l'ont fait tranquillement.
• En tout, ils sont resté dans le nid entre 11 et 15 jours (voir tableau ci-après).Darwin, celui qui a passé le plus de jours dans le nid, a clairement montré un comportement qui tend vers un retour à la zone du hacking. 7 jours après sa sortie, il a mangé la nourriture des plateformes qui avait été préalablement dispersée par les corbeaux ou celle qui avait été placée dans la zone.Les trois autres aiglons ne se sont pas établis dans la vallée, ils n'ont pas essayé de descendre pour manger et ont abandonné la zone au bout de 3 jours (Dante), 7 jours (Dana) et 9 jours ( Dalía). Ces trois oiseaux ont été recapturés à cause du risque de mourir d'inanition et de déshydratation car il était fort probable qu'il n'auraient pas pu se nourrir par leurs propres moyens. Quand on les a recapturé, Dana et Dante avaient passé 10 jours sans manger et Dalía 8.

La raison la plus plausible pour laquelle les trois oiseaux ne sont pas resté dans la vallée est qu'il ont eu des difficultés pour descendre manger dans la zone du hacking, sûrement à cause de son emplacement au pied de la falaise, ce qui peut être très difficultueux pour des oiseaux sans expérience de vol. L'emplacement du hacking sera changée pour 2015.

Note sur la recapture

La recapture des trois aiglons aptes au vol a été un événement marquant de ce programme, car il s'agit d'une mesure in extremis et très complexe à mettre en œuvre, mais grâce à l'énorme effort entrepris par le COFIB, la mort certaine de ces trois oiseaux a pu être évitée.

Dana a été recapturée à 4 km du hacking. Dante à 13 km après avoir parcouru environ 45 km vers le nord et ensuite vers le sud-est, tandis que Dalía se trouvait à 3 km du hacking.

Récupérer trois oiseaux qui sont déjà aptes au vol a supposé un large effort de la part de toute l'équipe du COFID, surtout pour les quatre membres de l'Unité de Contrôle de la Faune qui ont parcouru des dizaines de kilomètres et qui ont réussi l'impossible : capturer trois oiseaux alors que les chances de réussite étaient déjà très faibles.

Dans ce cas, le suivi télémétrique a été crucial, et on a en fait pu compter sur la collaboration d'un vigile anti-incendies posté au sommet d'une montagne avoisinante avec une antenne réceptrice et les fréquences des oiseaux perdus.

Ils ont été emmené au Centre de Récupération de la Faune du COFID et leur libération a été envisagée au moyen de l'installation d'acclimatation déjà placée dans le Parc National de la péninsule de Levante. Voir ci-dessous.

Phase II : Dépendance au nid

Cette phrase se déroule depuis que l'établissement des oiseaux dans la zone après les premiers vols jusqu'au début de la dispersion.
À partir de là, on différencie l'aiglon qui s'est établi dans la zone du hacking (Darwin) des trois autres qui ont été recapturés, comme ils ont suivi des processus différents.

DARWIN

• Darwin, le plus petit des quatre, a réalisé cette phase de la manière la plus normale.
• Il s'est établi aux alentours du nid, où de la nourriture lui a été fournie sur une plateforme élevée (pour éviter qu'elle soit mangée par des carnivores terrestres)
• A partir du 28 mai, des proies vivantes lui sont apportées.Son premier vol d'exploration a lieu le 23 juillet, quand il s'éloigne à 42 km, et le 25 il part au sud de la Sierra de Tramuntana où il reste dormir pour la première fois. Cet endroit a été sa principale zone de permanence jusqu'à fin septembre, en revenant chaque fois un peu moins vers La Reserva pour manger (tous les 2-3 jours et jusqu'à 4 jours).

DANA, DALÍA ET DANTE

L'important était de s'assurer qu'ils ne s'envolent pas pour ne pas s'éloigner de la zone au moment d'ouvrir l'installation d'acclimatation. C'est pourquoi on a établi un procédé qui impliquait :

• Un minimum de 4 semaines de chasse de proies vivantes en captivité, pour qu'ils puissent acquérir plus d'expérience et développer leur instinct de chasse.
• La compagnie d'un mâle adulte non-relâchable (cédé temporairement par le Zoo Natura Parc), pour qu'une fois l'installation ouverte, il puisse faire diversion et ainsi retenir les jeunes dans la zone où on leur mettait la nourriture. Dans le cas d'adultes non reproducteurs, les mâles sont plus protecteurs que les femelles.
• Des proies vivantes placées dans un enclos devant l'installation sur des platerformes élevées à la vue depuis l'intérieur.
• Ne pas les nourrir pendant quelques jours avant l'ouverture pour les inciter à manger ce qui se trouve dans l'enclos devant et les retenir dans la zone, pour qu'il se comportent comme dans un hacking.

• Ils ont été soigné au COFIB pendant trois semaine. A partir de la deuxième semaine, hors de danger et après avoir repris des forces, on a commencé à leur apporter des proies vivantes.
• Le 11 juin ils ont été emmenés à l'installation d'acclimatation située dans le Parc Naturel de Levante (Artà).
• Ils sont restés deux semaines dans l'installation d’acclimatation (13 jours exactement) avec le mâle adulte non-relachâble.
• Un jour, un aigle botté s'est posé sur le toit de la cage. Ce sont le mâle et Dana qui ont piaillé et qui se sont approché de lui pour l'intimider Ce fut une situation curieuse, quand Dana (la plus grande des quatre) s'est alliée au mâle pour protéger la « zone natale ».
• Les aigles se sont bien comportés, ils se sont perchés ensemble, ils battaient des ailes, certains se sont lavés (surtout l'adulte). Ils ont tous bien chassé sauf Dalía qui était la dernière à chasser donc il ne restait souvent plus de pigeon vivant (les deux mâles, Dante et l'adulte, chassaient parfois deux pigeons par jour), c'est pourquoi généralement elle mangeait des charognes.
• La porte de l'installation a été ouverte le 24 juin. Les deux femelles (Dana et  Dalía) sont sorties tout de suite pour manger dans l'enclos ; le mâle Dante a préféré faire un tour et revenir à 20h pour manger sur l'une des plateformes.
• De là, deux d'entre eux (Dana y Dante) se sont établis dans la zone, considérée comme « natale » au vu de leur comportement (comparable à un hacking).
• Les premières semaines, Dana et Dante ont passé une grande partie de la journée ensemble, ont dormi dans le même arbre et sont allés manger tous les jours. Au début, un couple de corbeaux leur donnait des coups de bec chaque fois que les aigles volaient.
• A partir du 13 juillet, Dana commence à effectuer des vols plus éloignés, à plus de 300-350 mètres de la cage. Le 27 juillet, elle effectué son premier vol d'exploration à 5 km et un autre le 10 août à 10 km vers le sud.
• Dante, de son côté, au lieu de faire des vols d'exploration, a cherché à étendre son domaine mais il n'est pas allé à plus de 3,3 km du lieu de libération.
• Le troisième aigle (Dalía) n'est pas revenu dans la zone de la cage, on pense qu'il a commencé à se nourrir seul depuis qu'il en est sorti car même si de la nourriture lui a été fournie, on est pas sûrs qu'il l'ait mangée. C'est un comportement curieux de la part de la plus « fainéante » de l'installation au moment de chasser.

Phase III: Dispersion hors de la zone natale

DALÍA

On peut considérer qu'elle est en phase de dispersion prématurée mais réussie, depuis qu'elle est sortie de l'installation d'acclimatation le 24 juin et qu'elle n'est pas entrée de nouveau en relation avec l'endroit, qui a cependant était considéré comme « natal » par les deux autres aigles.

Elle parcourt presque toute l'île jusqu'à ce qu'elle arrive le 31 août dans la zone Sud où elle est restée jusqu'à la fin de l'année. Là-bas, des ornithologues du groupe GORA, qui font le suivi des migrations des rapaces du Cap de Ses Salines (30 septembre par Juan José Bazán ), l'ont observée au moins une fois. Elle volait avec trois Busards des roseaux en migration et un Faucon d'Éléonore. Elle s'est retrouvée dans cette zone en même temps que Deià, Dodiel et Dana.

DARWIN

• On lui a apporté de la nourriture trois fois par semaine jusqu'au 30 septembre. A partir du mois d'octobre, on lui en a apporté 2 fois par semaine et petit à petit on a cessé de lui en apporter car il a cessé de visiter la zone natale (le hacking).
• Il s'est établi jusqu'au 31 décembre dans la zone Sud de la Sierra de Tramuntana. Parmi les quatre, c'est celui qui s'est le moins déplacé sur l'île.

DANA

• Dana a commencé sa dispersion un mois après l'ouverture de l'installation d'acclimatation (24 juin).
• Elle a effectué de grands déplacements sur l'île, en évitant généralement la Sierra de Tramuntana et en se concentrant surtout dans la même zone que Darwin même s'ils n'étaient pas exactement ensemble. Contrairement à Darwin qui n'est pas sorti de la zone, Dana est sortie de temps en temps vers le sud ou le nord-ouest (dans la zone de libération), où elle a retrouvé d'autres individus comme  Dalía, Darwin, Dodiel ou Daimiel.

DANTE

Dante a effectué une dispersion très conservatrice, du même style que Darwin, en ne bougeant que très tard et en s'éloignant très peu de la zone natale.

Conclusions

En définitive, en 2014, on a libéré plus d'oiseaux que toutes les autres années depuis que les libérations on commencé en 2011 : sept. Parmi les quatre aiglons libérés grâce au hacking, trois se sont retrouvés en danger de mort mais ont été sauvés in extremis grâce à leur recapture. Cette mesure fut risquée et courageuse, non seulement à cause des difficultés engendrées par la capture d'oiseaux aptes au vol, mais aussi pour la nouvelle méthodologie qu'il a fallut développer pour leur libération. Les deux mesures ont été un succès et ont permis de terminer 2014 sans déclarer aucune perte (parmi les oiseaux ayant un émetteur actif).

Par ailleurs, le mauvais fonctionnement du hacking installé à La Reserva, dû au fait que la nourriture qu'on leur apportait avait été placée en bas d'une grande falaise difficile d'accès pour les aiglons qui commencent tout juste à voler, a impliqué un apprentissage pour l'équipe technique, et aussi la nécessité de trouver un nouvel emplacement pour 2015.

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