Les principaux facteurs qui ont conduit à une chute brutale de la population de l’espèce dans les années 70 et 90 sont la mort par électrocution ou percussion et la persécution directe, ajoutés aux problèmes liés à une démographie de type aléatoire et à l’isolement de certaines populations. Les problèmes de conservation liés aux taux élevés de mortalité non-naturelle (électrocution et persécution directe) ont d’ores et déjà fait l’objet d’efforts pour y remédier ; cependant, il reste les problèmes de conservation liés à la dynamique des populations qui n’ont pas été abordés dans les projets antérieurs et qui nécessitent un effort nouveau.
Ainsi, malgré les efforts réalisés pour la conservation de cette espèce, il existe encore des interrogations liées essentiellement à une méconnaissance concernant les déplacements des individus. A partir des lois de protection [de la nature] et des premières mesures de conservation menées à bien depuis les années 1980 les populations de divers rapaces se sont améliorées, mais l’Aigle de Bonelli a continué à disparaître progressivement du nord au sud de la péninsule ibérique.
Jusqu’à aujourd’hui on a abordé l’analyse démographique principalement à partir de paramètres tels que la productivité et la mortalité dans chacune des populations, sans accorder la même importance aux taux d’immigration, émigration, « recrutement », zones puits et zones sources
Problème n°1 : Problèmes dérivés de la dynamique de la métapopulation de l’espèce.
Le problème principal pour la réintroduction et la restauration de populations est lié au concept de métapopulation et aux relations existantes entre les populations des différentes régions. Une fois analysées les phases préalables de suppression ou de diminution des menaces pesant sur l’espèce, il serait déraisonnable de continuer à s’investir indépendamment dans chacune des régions pour la réintroduction d’individus sans examiner les relations avec les autres régions. Le caractère dispersif de l’espèce suppose des mouvements qui font que des individus introduits dans une région peuvent se déplacer et renforcer la population d’une autre région.
Grace aux mesures de conservation entreprises, la mortalité adulte et juvénile s’est considérablement réduite et la perte de territoires occupés s’est momentanément enrayée dans les aires concernées par le projet. Cependant, étant donnée la tendance générale de l’espèce au niveau européen, la population régionale (à l’exception de l’Andalousie) a continué à baisser au cours des dernières années, comme conséquence de la situation biogéographique de ces régions dans la limite de l’aire de distribution spécifique de l’espèce et l’existence d’un déficit entre la productivité annuelle et la mortalité adulte et juvénile de la métapopulation péninsulaire, qui limite le flux philopatrique et la capacité de réinstallation des adultes territoriaux (Real et Mañosa 1997, Fernández et Azkona 2010).
La dynamique de population de l’Aigle de Bonelli dans la Péninsule Ibérique et le sud de la France montre que les populations, bien qu’elles soient séparées les unes des autres, restent connectées par des phénomènes occasionnels d’immigration et d’émigration. Cette structure a été dénommée, en Biologie de la Conservation, ‘métapopulation’. Ainsi, les mesures de conservation se sont [jusqu’à présent] concentrées sur des populations plus ou moins isolées, sans considérer le rôle que ladite population joue dans la métapopulation. Par exemple, les populations de la Navarre et de la Provence (France) perdent des aigles du fait d’un fort taux d’émigration juvénile qui se déplacent vers le sud et ne reviennent pas en nombre suffisant étant donné l’isolement et la petite taille de ces populations (Real et Mañosa, 1996). De plus, on a pu mettre en évidence un fort taux de mortalité pré-adulte, problème nécessitant une approche globale, au niveau ibérique (Real et Mañosa, 1996).
Pour toutes ces raisons le projet LIFE BONELLI actuel s’empresse de cerner le problème dans une perspective globale. Aussi est-il considéré comme primordial d’effectuer un monitoring des oiseaux existants (tant pour les oiseaux sauvages que pour ceux élevés en captivité) et d’essayer de suivre leurs déplacements, pour mettre fin aux interrogations sur la destinée des oiseaux nés en Andalousie mais qui ne vont pas recoloniser les anciens territoires dans d’autres régions. Le monitoring des individus et le fait de travailler avec 5 régions différentes va permettre d’obtenir une vision plus complète des relations existantes entre les noyaux de populations. De cette façon pourront être mis en évidence les mouvements naturels au sein de l’espèce et les comportements des populations dans leur ensemble (métapopulation). Avec ces données, il conviendra de déterminer quels sont les problèmes de conservation.
Comme cela a été documenté, la baisse de la disponibilité en aliments a été notée comme étant une des causes de la régression de l’espèce, en particulier dans les régions situées dans la limite septentrionale de l’aire de distribution de l’espèce (nord de l’Espagne), comme c’est le cas en Navarre et en Álava, d’où la nécessité d’un effort accru dans la mise en œuvre d’action d’amélioration et de conservation de l’habitat dans ces zones. Egalement, étant donné l’abandon progressif et le dépeuplement [humain] qui se produit dans la zone des pré-Pyrénées de Navarre, où se trouvent les principales aires occupées par l’espèce dans la région, et avec la détérioration de l’habitat que cela entraîne, il apparaît nécessaire de réaliser un effort particulier de restaurations des habitats naturels.
Parallèlement à ce problème de conservation, il est nécessaire de continuer à travailler sur une série de dangers et de menaces qui ont constitué les causes de la diminution de la population ibérique d’Aigle de Bonelli au niveau global. S’agissant d’une espèce plus tolérante que d’autres à la présence humaine, la plupart des territoires se trouvent dans des zones où l’homme est relativement présent, avec les risques et les menaces associés à ce fait (qui auront une incidence plus ou moins grande selon les caractéristiques et les antécédents de chacune des régions impliquées dans le projet).
Ainsi que l’exigent les normes de l’UICN concernant la réintroduction d’espèces, il est indispensable d’avoir réduit au maximum ces menaces pour pouvoir réintroduire avec succès les espèces en question. Pour cela, bien que dans les projets antérieurs un important travail ait déjà été mené dans ce sens, le projet BONELLI continue dans cette direction en réduisant encore d’avantage les menaces et les dangers pour favoriser l’implantation dans les zones cibles des nouveaux individus réintroduits.
Ces menaces sont :
Menace n° 1 : Electrocution et collision
L’électrocution se concentre sur les lignes de distribution, tandis que la percussion peut se produire sur n’importe quel câble aérien non isolé, de même que dans des parcs d’éoliennes proches des zones de reproduction.
Elle est considérée comme la principale cause de mortalité adulte et pré-adulte.
Dans les zones concernées par le projet, cette menace a été réduite de façon drastique grâce aux mesures correctrices effectuées, mais elles doivent être complétées ou entretenues.
Menace n°2 : Actions humaines d’homogénéisation du milieu naturel.
Il s’agit de modifications des zones de nidification par homogénéisation de l’environnement à travers les infrastructures et la transformation du milieu.
Cela entraîne une diminution de la disponibilité en proies potentielles dans les zones agricoles, ce qui peut limiter la productivité. Egalement, il en découle une réduction de la capacité d’accueil des territoires, rendant difficile la recolonisation des anciens territoires, et dans les cas extrêmes, pouvant entraîner l’abandon de zones de nidification.
Menace n°3 : Dérangements causés par l’homme sur les sites de nidification.
Associée aux activités ludiques et récréatives (excursions, sports d’aventure comme l’escalade ou le canyoning, la photographie, le tourisme, etc.) et de production (carrières, activités agricoles, infrastructures, etc.). C’est une des principales causes de l’échec de reproduction. Cette menace va en augmentant du fait du développement des sports invasifs. Le projet prévoit une régulation des activités de loisir et de temps libre sur les anciens territoires de l’Aigle de Bonelli pour favoriser leur recolonisation.
Menace n°4 : Détérioration naturelle de l’habitat.
D’une manière générale, il faut se souvenir que l’Aigle de Bonelli est une espèce circumméditerranéenne dans le paléarctique occidental. Rupestre et thermophile, elle occupe des habitats de type méditerranéens. L’Álava ainsi que la Navarre se trouvent à la limite bioclimatique de la région méditerranéenne dans la Péninsule Ibérique, et donc elles disposent d’une moindre disponibilité de ce type d’habitat
La détérioration de l’habitat diminue également la disponibilité de proies potentielles dans les zones agricoles, ce qui peut limiter la productivité. Elle réduit également la capacité d’accueil des territoires, rendant difficile la recolonisation des anciens territoires, et dans les cas extrêmes, peut entraîner l’abandon de zones de nidification.[idem que menace 2] Selon les données disponibles de la part du Ministère de l’Agriculture, l’Alimentation et l’Environnement, les Densités Relatives des populations de lapin en Navarre et en Pays Basque présentent des valeurs parmi les plus basses.
Pour autant, l’amélioration de l’habitat par le biais de l’accroissement de populations-proies est considérée comme une action prioritaire dans les régions septentrionales, ce qui n’est pas le cas dans les Communautés plus méditerranéennes (Madrid et Baléares).
Menace n°5 : Persécution directe et chasse illégale.
Associée fondamentalement à l’activité cynégétique. La persécution directe est chaque fois moins importante mais des cas de mort par tirs et par empoisonnement continuent à se produire, liée à la mauvaise réputation des rapaces qui va néanmoins en évoluant dans la société. Ainsi, à Majorque, c’est la persécution directe qui est la cause de la disparition de l’espèce. Indirectement, la mortalité adulte a occasionné une importante réduction du potentiel reproducteur.
Bien qu’il s’agisse d’une activité furtive et difficile à quantifier, il s’agit de la seconde cause de mortalité adulte et pré-adulte.